Susan Gabori
Voir Walchewski, Janet; Documentaristes. Gabori et Walchewski, près du milieu queer, sont à l’origine de New Romance (Aspects of Sexuality and Sexual Roles) (1975, 34), un documentaire excentrique et anormal, qui se distingue comme étant le premier film de l’ONF à utiliser les mots « gai » et « lesbienne », et à présenter à l’écran de manière franche des lesbiennes et des gais de la vraie vie qui s’affirment. Les deux femmes ont fait le film en cachette, ayant recours à des « morceaux de bandes » (pellicules non utilisées), puis elles ont mis le producteur devant le fait accompli, soit un film terminé, que le patron a ensuite pris et distribué (c’était les années 1970!). Le documentaire présente des séquences d’une séance de sensibilisation où l’on voit des jeunes femmes hétérosexuelles discutant des mœurs sexuelles émergentes et de la perte de leur virginité, suivi du portrait d’un couple de lesbiennes plutôt inarticulé, vêtues de chemises à carreaux et fumant la pipe. On voit ensuite une entrevue menée auprès de lutteurs canado-italiens parlant de masculinité et de socialisation sportive forcée pour les garçons, pour ensuite passer à un couple de coiffeurs de Montréal fièrement efféminés. Après quoi, on assiste à une entrevue avec un homme qui semble hétérosexuel mais qui parle d’embrasser d’autres hommes, et finalement, on aperçoit une fête pleine d’éclat et tape-à-l’œil où se trouvent des gens déguisés, extrovertis, d’autres dont le genre est ambigu. Cette scène trouve son paroxysme dans un long baiser échangé entre deux personnes du même sexe. Un plan inséré montre une femme qui se fait raser la tête pour qu’on ne puisse pas la juger selon son apparence. Les origines subjectives et improvisées du film et son regard étranger se manifestent dans son manque de thématique ou dans sa structure cinématographique, et la façon de remplacer la recherche par les impressions. Vers la fin des années 1970, j’étais furieux que ce film écervelé, premier de son genre, soit un mélange maladroit de ce qu’on considérait alors comme étant des stéréotypes négatifs, sans oublier son caractère complètement inconscient par rapport aux mouvements politiques queer qui se consolidaient à cette époque. Près de trois décennies plus tard, le film a bien vieilli et il constitue une précieuse imagerie des gens et des vies qui appartiennent à un endroit et à une époque non documentés.