Don Haig

male
Date de naissance
1933
et lieu
Winnipeg , MB
Canada
,
Manitoba CA
Died
décembre, 2001
Biographie

Producteur et monteur. Louangé lors de sa mort comme étant l’une des figures les plus influentes du cinéma canadien, Don Haig fut décrit comme un monteur de premier plan lors de la première décennie télévisée de la CBC dans les années 1960, un producteur torontois indépendant pendant les années 1970 et 1980 ainsi qu’un chef de file de studio anglophone au sein de l’ONF dans les années 1990. Ses louangeurs ne firent guère mention que cet homme séduisant – un résidant de Winnipeg ouvertement gai bien que réservé, qui fit vie commune avec Bill Schultz pendant 47 ans et qui commença sa carrière en distribuant et en affectionnant des réalisations musicales produites par MGM – réalisa également 125 Rooms of Comfort (1974), un long-métrage queer mémorable des années 1970 qui ne fut malheureusement jamais distribué.

L’un des enfants perdus du cinéma canadien queer autant qu’hétérosexuel, cet ambitieux long-métrage à petit budget ne fut présenté qu’une ou deux fois à l’écran et connut une réception médiocre qu’il ne méritait point. 125 Rooms fut réalisé par Patrick Loubert (n. 1947), un pionnier de l’animation canadienne sensible aux problématiques queer qui co-fonda le légendaire studio Nelvana d’Ottawa en 1971. Le film porte sur un hôtel dilapidé de St. Thomas en Ontario où se déroule un spectacle d’humour lors d’un enterrement de vie de garçon (donné par un comédien démodé du nom de Johnny Canuck, personnage inspiré du héro de bande dessinée canadienne d’antan conjuré par Loubert) ainsi qu’une panoplie d’arnaques portant sur la vente de l’établissement à un groupe rapace d’acheteurs américains. Un copropriétaire de l’établissement du nom de Billie – un homme scandaleusement queer en congé de l’hôpital psychiatrique – n’est pas en accord avec la vente et devient un martyr plutôt évident de l’autonomie économique du Canada (les métaphores portant sur l’impérialisme américain n’étaient pas étrangères au cinéma canadien des années 1970). Le point culminant plutôt lourd du film se joue à travers deux scènes : l’animateur de l’hôtel présente une nouvelle danseuse « séduisante et pleine de vie » à une audience masculine agitée et pâmée alors qu’à l’extérieur de l’hôtel, des clients intoxiqués découvrent un Billie travesti et l’empêchent de s’échapper. Alors que la foule lui lance des « tapettes! », elle roue Billie de coups, lui arrache sa perruque de la tête, le frappe alors qu’il est étendu sur l’asphalte de la ruelle sale, l’asperge de bière et le laisse pour mort – ce qui convient parfaitement à l’autre copropriétaire et aux acheteurs. Selon les dires de Loubert, Billie fut la contribution d’Haig au film et le rôle fut inspiré d’un personnage brillant, dramatique et exagéré de l’île de Toronto connu des réalisateurs. Ce dernier prit part à des auditions mais fut jugé trop instable pour prendre part au projet. (Entretien téléphonique, 10 déc. 2003)

L’échec du film fut partiellement attribué à l’interférence de la CFDC (les bailleurs de fonds ne cessaient de supprimer les scènes de violence et de sexe du scénario – Loubert et Haig les restaurèrent carrément, y compris la scène de violence homophobe, à même le plateau de tournage). Mais les intrigues tissés à travers l’œuvre étaient également floues, même dans un contexte structurel de film d’art fictif des années 1970. Un critique dressa une comparaison homophobe entre l’identité nationale colonisée du Canada et ce qu’il qualifia de l’ « incompétence sexuelle grotesque » de Billie, adressant la scène de meurtre homophobe à travers la question suivante : « …le travestissement de Billie est-il une image de la “féminisation” complète du fils héritier du manoir canadien, une expression du désir inconscient de se faire violer? » (Fothergill 1975, 58). À travers cette transposition trop évidente du mythe sexiste de la femme désirant être violée, de l’homosexuel désirant être violenté et du Canadien voulant être colonisé, peut-être cherchait-il à porter réflexion sur la censure d’un cinéma queer naissant qui commençait tout juste à s’agiter malgré sa nature conflictuelle.

Dans la carrière de producteur torontois qu’il occupa par la suite, Haig fut également responsable du succès queer monumental des années 1980 I’ve Heard the Mermaids Singing (1987) et, vers la fin de la période de bureaucrate productive et influente de sa carrière, épaula des cinéastes et des projets queer émergents tels Anatomy of Desire (Jean-François Monette, 1995) et When Shirley Met Florence (Ronit Bezalel, 1994).